Elaphe bimaculata Schmidt, 1925

Couleuvre léopard de Chine

Colubridae, Colubrinae

Sous-espèce : aucune

Etymologie : du latin "bi" : deux et "maculata" : tacheté, en relation avec les deux rangées de taches caractéristiques de l'espèce.

Description

Elaphe bimaculata est une couleuvre petite à moyenne, élancée. La taille adulte est généralement comprise entre 60 et 80 cm, exceptionnellement jusqu'à 120 cm. Les femelles sont nettement plus grandes et plus robustes que les mâles. La tête est fine, peu distincte du cou. Le rostre est arrondi et assez large. La coloration et les motifs sont très variables, il existe une forme tachetée (la plus courante) et une forme lignée, ainsi que les intermédiaires entre ces deux formes où les bandes ne sont pas clairement définies. La couleur de fond varie du jaune au marron-beige clair, gris ou olive. Les taches dorsales brunes à orange bordées de noir forment deux rangées distinctes, ou se réunissent pour former un motif en forme de noeud-papillon ou de sablier. Chaque rangée de taches peut se superposer à une ligne latérale plus sombre, parfois jusqu'à s'y fondre dans le cas des formes "lignées". Des ocelles plus petites ornent les flancs. Vers la queue les rangées de taches fusionnent généralement en une ligne ininterrompue. La tête est ornée d'un motif en V caractéristique, s'étendant en bandes sur le cou pour rejoindre les premières rangées de taches dorsales. Une bande de même couleur relie les yeux via les écailles préfrontales, une autre bande plus fine relie les narines. Une bande généralement plus foncée s'étend de l'oeil à la commissure de la gueule.
Elaphe bimaculata peut facilement être confondu avec E. dione, E. zoigeensis et parfois avec Oocatochus rufodorsatus. Cette dernière espèce a une tête beaucoup plus courte et n'a pas la même alimentation ni le même mode de reproduction (espèce ovovivipare).

Répartition et habitat naturel

Elaphe bimaculata est répartie sur une grande partie de l'Est et du Nord-Est de la Chine. Sa présence a été attestée dans les provinces de Anhui, Chongqin, Gansu, Hebei, Henan, Hubei, Hunan, Jiangsu, Jiling, Jiangxi, Shandong, Shanxi, Shaanxi, Shanghai, Sichuan et Zhejiang, ainsi qu'en Mongolie intérieure dans la réserve naturelle de Saihanwula. Elle peut être rencontrée des zones côtières jusqu'à 2240 m ASL.
Cette espèce discrète des zones tempérées occupe les prairies arbustives ou herbeuses, les limites de zones forestières, et les milieux anthropisés tels que les voies de chemins de fer, les abords des zones de cultures traditionnelles ou des jardins - souvent à proximité de plans d'eau.

Statut des populations - réglementation

L'état global et la tendance des populations ne sont pas connus. Sa vaste aire de répartition et sa présence dans de nombreuses zones protégées préservent cette espèce d'un déclin rapide ; pour ces raisons l'UICN place ce taxon dans la catégorie "préoccupation mineure" (LC). La modification des pratiques agricoles traditionnelles vers des formes d'agriculture intensive est la principale menace pesant sur l'espèce, mais reste actuellement localisée.
E. bimaculata ne bénéfice pas de mesures de protection nationales ou internationales, la présence de spécimens prélévés en milieu naturelle dans le commerce terrariophile est cependant assez faible.
En France, cette espèce est considérée comme non domestique (à l'instar de tous les reptiles), sa détention au sein d'un élevage d'agrément est donc règlementée par l'arrêté du 08 octobre 2018. Un éleveur amateur peut ainsi posséder des spécimens d'E. bimaculata sans autorisation préalable à condition de respecter les quotas fixés par cet arrêté. Dans tous les cas cependant, la cession et l'acquisition (à titre gratuit ou non) doit être accompagnée d'un certificat de cession sur le modèle du CERFA 14367*01. Le détenteur de spécimens d'espèces non domestiques doit également tenir un registre sur le modèle du CERFA 15970*01.

Elevage

Cette couleuvre est très discrète et timide. En présence du soigneur elle se tient généralement sous une cachette, et se débat vigoureusement lorsqu'elle est saisie. Les morsures sont rares, mais il est très courant qu'elle vide le contenu nauséabond de ses glandes cloacales comme moyen de défense. C'est une espèce qualifiée de terrestre, même si elle grimpe habilement et se tient parfois longuement en hauteur. Son activité est principalement diurne.
La taille modeste de cette couleuvre permet de l'héberger dans un terrarium de dimensions moyennes. Une enceinte de 60x30x40 cm (Longueur x largeur x hauteur) est suffisant pour héberger un couple dans de bonnes conditions sauf si l'on a affaire à de grandes femelles. Un chauffage modéré suffit pour obtenir 25 à 27 °C sur un tiers de la surface totale, le reste du sol reste à température ambiante. Le chauffage est coupé la nuit pour laisser la température descendre entre 17 et 20°C. E. bimaculata est plus sensible aux températures élevées qu'E. dione, au-delà de 28°C la chaleur est considérée comme excessive. Le substrat restera sec. Il est possible d'utiliser avec succès des éclats de bois blancs non résineux (hêtre, peuplier), du paillis de lin ou de chanvre, ou des copeaux dépoussiérés pour rongeurs, par exemple. Cette espèce aimant souvent fouiller le substrat, il est déconseillé d'utiliser du sable ou du gravier, abrasifs et susceptibles d'être ingéré. De nombreuses cachettes sont disposées dans les zones chauffées et non chauffées. De façon générale E. bimaculata est une espèce timide, et il faut tenir compte de ce fait lors de l'aménagement du terrarium. Idéalement un abri en partie fraîche est maintenu légèrement humide, il sera régulièrement visité en période mue et pourra servir de boîte de ponte. Quelques branches et feuillages complètent le décor et seront utilisés ocasionnellement. Un abreuvoir est disposé dans la partie fraîche. E. bimaculata ne se baigne que rarement, des périodes d'immersion régulières ou prolongées sont souvent le signe de la présence de parasites externes. De l'eau tiède peut être puvlérisée en petite quantité à intervalles réguliers.
Dans son milieu naturel E. bimaculata consomme principalement des rongeurs, et occasionnellement des lézards, des oiseaux et leurs oeufs. En captivité les souris de petite taille sont consommées sans difficulté. Comme en milieu naturel, elle consomme parfois des oeufs, mais ce penchant est nettement moins marqué que chez E. dione.

Reproduction

Comme pour beaucoup d'autres espèces de reptiles des zones tempérées, une période de repos hivernal est conseillée pour mener à bien la reproduction en captivité de cette espèce. La période "de repos" est une période plus fraîche de 2 mois au minimum, qui a lieu en fonction des possibilités de l'élevage et du climat extérieur, généralement entre novembre et février. La température est graduellement abaissée jusqu'à des valeurs comprises entre 10 et 15°C, l'éclairage est réduit au minimum (pas d'éclairage artificiel). Au sortir de cette période les animaux muent dans un délai de 10 à 30 jours, et les accouplements débutent généralement après cette mue, notamment celle de la femelle. Lorsque les serpents des deux sexes sont maintenus ensemble à l'année les accouplements peuvent avoir lieu pendant toute la saison active, mais les pontes sont pratiquement toujours effectuées à la fin du printemps. Dans tous les cas il est judicieux de laisser constamment à disposition un abri maintenu humide qui pourra servir de boite de ponte. La ponte contient 3 à 12 oeufs, larges par rapport à la femelle (50 x 20 mm en moyenne). L'incubation classique sur un substrat humide (tourbe, vermiculite etc.) dure 35 à 45 jours pour une température comprise entre 25 et 28°C. A l'éclosion les serpenteaux mesurent 25 à 30 cm. Après la sortie complète de l'oeuf, ils sont placés dans des petites enceintes telles que des boîtes plastiques "Fauna-Box", aux mêmes températures que les adultes. Du papier absorbant est utilisé comme substrat, pour un meilleur suivi de la digestion et éviter l'ingestion accidentel de copeaux. Un abri et un point d'eau peu profond complètent l'installation.
Ils s'alimentent de souriceaux après leur première mue. D'après Schulz (1996) les mouvements des souriceaux vivants semblent effrayer les juvéniles. Je n'ai personnellement offert que des proies mortes qui ont été acceptées sans problème. Pour les plus récalcitrants, l'isolement une nuit entière dans un petite boîte opaque en présence du souriceau est souvent suffisant pour déclencher la prise de nourriture. Les juvéniles de l'année peuvent suivre le même repos hivernal que les adultes, leur appétit et leur croissance sont souvent bien meilleurs que les spécimens maintenus dans des conditions d'activité toute l'année. Dans de bonnes conditions la maturité sexuelle intervient tôt, parfois dès 15 mois. Il est néanmoins préférable d'attendre que la femelle soit plus âgée avant de la laisser s'accoupler.

Remarques complémentaires

Suite à un accident lors d'un transfert, une de mes femelles E. bimaculata s'est échappée dans mon véhicule en novembre 2009. Elle n'a été récupérée qu'en mars 2010, et a donc passé 4 mois et demi dans une voiture garée en extérieur. La température extérieure durant cette période est descendue jusqu'à -5,6°C (source: station météo de Lann-Bihoué). Elle a cependant été retrouvée en pleine santé, et a pondu en juin 4 oeufs fécondés issus d'un accouplement du mois d'octobre. Ces quatre oeufs ont éclos pour revéler des individus parfaitement sains.

Bibliographie

Dorso, M. 2010. Les reptiles et le froid. Bull. AFT. Septembre 2010.

Fesser, R . 2013. Forty years of husbandry and breeding of Old World ratsnakes – a summary. In : Schulz, K.-D. (Ed.). Old World Ratsnakes A collection of papers. Bushmaster Publications: 417-422.

Millier, F. 2002. Elaphe bimaculata (Schmidt, 1925). Situla 5: 30-33.

Nasendelger, Zhang Li-Jia, Bao Wei-Dong. 2010. A New Record of Snake in Inner Mongolia: Elaphe bimaculata. Sichuan Journal of Zoology 45(3): 168-169.

Schmidt, K. P. 1925. New Chinese amphibians and reptiles. American Museum Novitates (175): 1-3.

Schulz, K.-D. 1996. A Monograph of the Colubrid Snakes of the Genus Elaphe Fitzinger. Koeltz Scientific Books, 439 pp.

Staszko, R. & Walls, J. G. 1994. Rat Snakes, A Hobbyist's Guide to Elaphe and Kin. T.F.H. Publications: 208 pp.

Uetz, P. (Ed.), The Reptile Database, Elaphe bimaculata on The Reptile Database, consulté le 21/08/2016.

Utiger, U., Helfenbergen, N., Schatti, B., Schmidt, C., Ruf, M., Zismiler, V., 2002. Molecular systematics and phylogeny of Old and New World ratsnakes, Elaphe Auct., and related genera (Reptilia, Squamata, Colubridae). Russ. J. Herpetol. 9: 105-124.

Utiger, U., Schatti, B., Helfenberger, N. 2005. The oriental colubrine genus Coelognathus Fitzinger, 1843 and classification of old and new world racers and ratsnakes (Reptilia, Squamata, Colubridae, Colubrinae). Russ. J. Herpetology 12(1): 39-60.